Une équipe de physiciens français (CNRS, Institut d’Optique Graduate School, Observatoire de Paris, UPMC, Université de Bordeaux), soutenue par le CNES et l’ESA, publient une étude détaillée démontrant comment deux ondes de matières différentes peuvent permettre de tester le principe de l’universalité de la chute libre au travers d’interféromètre atomiques corrélés. Au-delà du tour de force technologique, cette expérience constitue un premier pas pour explorer l’espace-temps avec des objets quantiques.
A première vue, la relativité générale, théorie de la gravitation et prédisant les phénomènes macroscopiques, et la mécanique quantique, prédisant l’infiniment petit, sont inconciliables. Par exemple, la notion même de temps diffèrent d’une théorie à l’autre. En mécanique quantique le temps est une variable d’évolution externe indépendante, alors qu’en relativité générale le temps (ou plutôt l’espace-temps) obéit à sa propre dynamique.
Au cœur de cette dernière théorie, le principe d’équivalence stipule notamment que des corps de masses différentes chutent à la même vitesse s’ils sont soumis au même champ de pesanteur. Si ce principe est déjà largement vérifié avec des objets de grande taille, son application au monde « quantique » microscopique soulève, encore aujourd’hui, de nombreuses questions. Des atomes refroidis à quelques millièmes de degrés au-dessus du zéro absolu au cœur de capteurs inertiels quantiques pourraient commencer à fournir des réponses à ces questions.
Pour cela, cette équipe a développé une expérience qui permet, de manière unique, de mesurer simultanément l’accélération de particules quantiques de masse différente. 10 millions d’atomes refroidis à environ + 0.000001 degré, du Rubidium d’une part, et du Potassium, deux fois plus léger, d’autre part, sont envoyés dans deux interféromètres réalisés de manière simultanés. Les résultats obtenus sont remarquables car ils démontrent cette mesure simultanée permet de corréler les deux interféromètres atomiques, permettant d’atteindre une précision largement insensible aux perturbations extérieures.
Grace à une étude méticuleuse de tous les effets qui pourraient dégrader les performances de la mesure, les physiciens a démontré qu’il est en particulier importance de contrôler les trajectoires relatives des particules, ainsi que des caractéristiques spatiales de la détection de ces dernières.
L’équipe ne compte pas s’arrêter à ce premier résultat intermédiaire. En poussant plus loin la technologie des capteurs quantiques ils comptent atteindre des précisions où le principe d’équivalence pourra être tester au niveau quantique. Il faudra pour cela des atomes beaucoup plus froids, des interféromètres beaucoup plus sensibles où les ondes de matières se propagerons sur de plus grandes distances. Ceci passera par opérer ces capteurs en microgravité, au sein du simulateur qu’ils ont développés à l’Institut d’Optique d’Aquitaine voire ultérieurement dans un satellite en orbite autour de la terre. Au-delà de ce test d’une des pierres angulaires de la Relativité Générale, ces capteurs ultimes ouvriront la voie pour explorer la frontière entre le monde quantique et le monde relativiste.
Ces résultats sont publiés dans la revue AVS Quantum Science, dans l’édition spéciale « Celebrating Roger Penrose’s Nobel prize ». Lire l’article.