Le laboratoire commun iXAtom vise à mettre au point une nouvelle génération de capteurs inertiels, reposant sur l’utilisation d’atomes froids.
Se repérer lors d’un trajet en bateau ou en sous-marin impose des contraintes auxquelles les outils actuels ne répondent pas entièrement. Le laboratoire commun iXAtom vise à mettre au point une solution dépassant ces limites, grâce à des capteurs inertiels quantiques à atomes froids.
La journée quantique en Nouvelle-Aquitaine, organisée le 11 juillet 2023 par le NAQUIDIS Center, a été marquée par la signature du renouvellement du laboratoire commun iXAtom. Cette collaboration, entamée en 2017, réunit le Laboratoire Photonique, Numérique et Nanosciences (LP2N) – associant l’Institut d’Optique Graduate School, l’Université de Bordeaux et le CNRS – et la société Exail – issue du rapprochement entre les entreprises iXblue et ECA Group. Son objectif : mettre au point une nouvelle génération de capteurs inertiels, reposant sur l’utilisation d’atomes froids. Une innovation technologique qui pourrait sensiblement améliorer les systèmes embarqués de positionnement et de navigation, notamment dans le transport maritime. Explications.
Les limites des capteurs inertiels classiques et du GPS
Un capteur inertiel est un instrument servant à mesurer l’accélération – il s’agit alors d’un accéléromètre – ou la vitesse de rotation – un gyromètre. Ces capteurs sont aujourd’hui largement répandus, y compris dans nos smartphones. Ils sont aussi employés pour des applications plus critiques, comme la navigation de bateaux ou de sous-marins, via des centrales inertielles, qui regroupent trois accéléromètres et trois gyromètres.
« Le problème est que ces capteurs inertiels dérivent avec le temps », note Vincent Ménoret, responsable R&D chez Exail et codirecteur d’iXAtom. « Par exemple, les accéléromètres reposent généralement sur un système assimilable à une masse suspendue à un ressort, qui s’allonge en fonction des accélérations subies. Or, ces déformations dépendent aussi d’un grand nombre de facteurs extérieurs comme la température ou la pression… » Ces variations peuvent alors entraîner des erreurs, qui se voient ensuite amplifiées par les opérations mathématiques nécessaires pour remonter de l’accélération à la position et pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres après une heure de trajet.
Comment corriger ces imprécisions, sans devoir recalibrer les appareils de mesure ? La solution souvent choisie consiste à coupler les centrales inertielles à des systèmes GPS. « Cependant, le signal satellite n’est pas toujours disponible, par exemple sous l’eau », relève Baptiste Battelier, ingénieur de recherche au laboratoire LP2N et directeur d’iXAtom. « Et certaines organisations peuvent être réfractaires à l’idée de communiquer avec l’extérieur ou de dépendre d’un signal GPS. »
Capteurs quantiques à atomes froids
Le laboratoire commun privilégie l’option d’un système de navigation autonome, grâce aux capteurs inertiels quantiques. Leur principe : étudier des atomes froids en chute libre, au sein d’une enceinte à vide. « L’atome présente plusieurs avantages », explique Baptiste Battelier. « Il est premièrement facile à manipuler via des lasers, à des fins de mesures. Et, grâce aux connaissances approfondies sur sa structure et ses propriétés fondamentales, nous pouvons déduire des informations sur l’accélération qu’il subit. De plus, son comportement en chute libre reste le même partout dans le monde, à tout moment. » Par conséquent, les capteurs quantiques offrent théoriquement des mesures absolues, à l’abri de potentielles dérives.
Mais quel est l’intérêt de refroidir ces atomes ? « Le refroidissement nous aide à limiter l’expansion du nuage d’atomes, afin de le confiner dans un espace restreint, où nous appliquons notre faisceau laser », poursuit le directeur d’iXAtom. « Cela nous permet d’effectuer des mesures plus longues, et donc d’obtenir une meilleure sensibilité. »
Hybridation quantique-classique
En définitive, les capteurs inertiels quantiques s’avèrent plus précis, sensibles et stables que leurs homologues classiques. De quoi remplacer définitivement ces derniers ? « Les capteurs quantiques possèdent, eux aussi, leurs limites », tempère Vincent Ménoret. « Par exemple, la nécessité de refroidir les atomes implique de ne pas pouvoir mesurer à certains moments. De même, les très fortes accélérations peuvent dépasser la dynamique de mesure. »
L’équipe d’iXAtom a donc décidé de combiner les deux technologies, afin de compenser les limites de chacune. La première phase de la collaboration, entre 2017 et 2021, a ainsi abouti à la construction d’un accéléromètre à atomes froids à trois axes, fruit d’une hybridation entre capteurs inertiels quantiques et classiques, qui pourrait être utilisé dans le transport maritime ou aérien, mais aussi dans d’autres domaines tels que l’industrie de la défense ou la géophysique. Ces travaux ont déjà fait l’objet de cinq brevets, quatre publications scientifiques et ont conduit à l’embauche d’un doctorant et d’un postdoctorant par la société Exail. « Mais nous ne comptons pas nous arrêter là », annonce Baptiste Battelier. « Nous avons, tout d’abord, constaté que les fortes rotations rendaient notre dispositif inopérant. Nous œuvrons donc aux moyens de compenser ces effets. De même, nous souhaitons que notre système puisse être embarqué sur un bateau, ce qui implique d’améliorer encore nos performances et de poursuivre le travail d’ingénierie pour le rendre suffisamment compact. » Autant de sujets sur lesquels les chercheurs vont travailler lors de cette deuxième phase, concrétisée par la signature du renouvellement du laboratoire commun.